En prison, l’art de voir est aussi celui d’être vu. Subtil va-et-vient entre les apparences. Celles qui nous échappent et celles qui nous enferment. Le récit de la prison, souvent univoque, contribue à la simplification de ses réalités et à une radicalisation des points de vue. Nous assignons volontiers personnel pénitentiaire et prisonnier.e.s. à une place. La prison pensée alors comme un « lieu exotique » alimente les formes symétriques de la bonne conscience et de la mauvaise conscience.
Les démarches artistiques de Bettina Rheims, d’Arnaud Théval, de Caroline Caccavale et Joseph Césarini construisent, avec les personnes détenues et l’institution, un espace pour une autre relation. Au risque de se déposséder d’une certaine forme de naïveté, au risque de ne pas fabriquer l’attendu espéré, au risque d’élargir leurs champs de vision mutuels, ils se déplacent tout autant qu’ils sont déplacés. Altérité maximum et violence nécessaire, pour un questionnement sur ce que peut l’art quand il s’invente en prison, sur l’institution et avec ses acteurs.
Prison miroir invite le spectateur dans une combinaison de propositions artistiques (visuelles, sonores et textuelles) éprouvant différemment l’expérience du temps, de l’autre et du dispositif institutionnel.
Le miroir tenu par ces artistes, dans lequel la prison se reflète étrangement n’est-il pas également le nôtre ? Nous y cherchons notre propre visage, mais une lumière aveuglante, celle trop souvent écrasante et simplificatrice de la société sur le monde de la prison, nous empêche de voir. Les images qui surgissent confirment souvent celles fabriquées par nos croyances, d’autres disparaissent dans un abîme mystérieux où les certitudes s’évanouissent. Le curieux reflet de notre ignorance s’y agite alors.
Que pouvons-nous apprendre de ces lieux d’enfermements, lorsque des artistes y agissent et nous donnent à voir, par le prisme de leurs expériences, un ensemble de signes troublant la surface lisse du miroir ?
Le spectateur/visiteur est invité à construire dans Prison Miroir sa propre représentation, agité par la dimension poétique de son expérience sensible face aux images et questionné par les enjeux politiques des écarts révélés.
Prison miroir interroge en agitant, en tordant et en dévoilant le hors-champ d’une prison impossible à parler au singulier, impossible à réduire à l’expérience des uns sans parler de l’expérience des autres.
La Friche la Belle de Mai consacre plusieurs mois à l’exploration de la relation entre la prison, la société et l’art. Lieux Fictifs, résident de la Friche, est étroitement associé à cet événement à travers notamment le co-portage de Caroline Caccavale qui en assure la direction artistique et dont les œuvres, produites et/ou réalisées avec Joseph Césarini, co-fondateur de Lieux Fictifs, font l’objet d’une rétrospective : Regard depuis la prison.
Au programme de cet événement : deux expositions photographiques réalisées dans des prisons et à l’école nationale de l’Administration Pénitentiaire, Détenues de Bettina Rheims et Un œil sur le dos d’Arnaud Théval, et la rétrospective des films de Caroline Caccavale et Joseph Césarini, Regard depuis la prison, un studio de cinéma en prison , ainsi que deux grands week-ends en octobre et février 2020 déroulant avec de multiples intervenants cette question essentielle, à la fois sociale, politique et artistique : que peut l’art en prison ?
De nombreux artistes, intellectuels et professionnels de la justice sont invités à participer à ces temps publics : Bettina Rheims, Laure Adler, Nicolas Frize, Arnaud Théval, Caroline Caccavale, Isabelle Gorce, Présidente du Tribunal de Grande Instance de Marseille, Christophe Bass, Avocat, Christine Charbonnier, Secrétaire Générale de la Direction Régionale des Services Pénitentiaires.
Evénement réalisé en étroite collaboration avec le Ministère de la Justice, la Direction de l’Administration Pénitentiaire, la Direction Interrégionale des Services pénitentiaires Sud Est, le Conseil départemental de l’Accès au droit des Bouches-du-Rhône, le Barreau de Marseille, la Fondation de France et France Culture ainsi qu’avec le Ministère de la Culture – DRAC PACA sur la rétrospective Regard depuis la prison.