Par Alain Dufau, spectateur, réalisateur
« José,
"9m2 pour deux" à la Friche Belle de Mai.
Une belle projection finalement.
Quelques impressions :
J’ai ressenti l’étroitesse du métrage carré, de la mise au carré.
J’ai ressenti dans l’expérience des plans séquences cet étirement de la vacuité, de la perte de sens. La cigarette, le café, le livre, la cassette audio, rien n’y fait, rien ne peut construire pour ceux qui vivent là, quelque instant apaisé. Tout s’étire dans l’attente, dans le vide, dans l’impossible relation, la perte.
Tout s’avorte : la musique, la lecture, la partie de scrabble, la discussion ... Vaines tentatives pour combler l’impossible desserrement.
Nulle personnalité ne peut ici se dévoiler, s’imaginer vraiment.
J’ai perçu le malaise de ce déni, de ce mépris du métrage au carré.
L’étau serre et rend improbable l’espoir. L’identité se brise là.
A chaque nouveau personnage entrant sur la scène étroite je désire, spectateur, bien évidemment qu’il en soit autrement : l’énergie des corps, l’énergie de ces hommes si communs, si fraternellement communs, me fait espérer l’émergence de sens, de récits.
Mais non, l’exaspérante tension d’un temps creux rend vain tout espoir.
Là, si peu se dit, paroles et gestes réactifs vite étouffés.
Souffrance de la lucidité.
Le panneau/texte introductif du film qui dit la démarche et le dispositif filmique est constitutif du film.
Surtout parce qu’il nous apprend que les protagonistes sont des détenus qui réécrivent leur vie quotidienne, qui l’interprètent comme personnages, c’est à dire qu’ils nous donnent à voir ce qu’ils ont envie de nous donner à voir, ce dont ils ont fait choix dans un processus de réflexion, qu’ils ne sont pas utilisés.
Si le film dérange c’est bien là : que des détenus participent librement à une mise en scène abstraite, du peu, du vide, et convoquent finalement notre commune solitude, dans des fragments de vie qui refusent toute peinture sociologique, tout dolorisme faussement dramatique.
Dans un film suspendu, sur le fil d’une émotion maîtrisée.
La bise »
Alain Dufau
Spectateur, réalisateur